Icebergs et fourrages indigènes - ce que vous ne voyez pas peut vous faire couler 🎙️
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Cet article rédigé par Dr Reynold Bergen, directeur scientifique du BCRC, a été publié à l’origine dans le numéro d’avril 2025 du magazine Canadian Cattlemen et est reproduit sur BeefResearch.ca avec la permission de l’éditeur.
En avril 1912, le RMS Titanic a coulé au large des côtes de Terre-Neuve après qu’un iceberg ait percé un trou dans sa coque à 25 pieds sous la ligne de flottaison. Seul un dixième d’un iceberg est visible au-dessus de l’eau ; la plus grande partie se cache sous la surface. Il en va de même pour les plantes fourragères : l’apparence de la surface du sol ne reflète pas nécessairement ce qui se passe en profondeur.
Les fourrages utilisent la lumière du soleil pour convertir le dioxyde de carbone en sucres végétaux qui stimulent la croissance de la plante. Elles ne peuvent le faire que si les racines peuvent absorber suffisamment d’eau et de minéraux du sol. Vous avez probablement vu de vieilles photos d’une herbe saine avec d’énormes racines s’enfonçant profondément dans le sol, et d’une herbe surpâturée avec un système racinaire peu profond.
La sécheresse étant une réalité récurrente dans de nombreuses régions, on peut se demander ce qui affecte le plus les pâturages : la sécheresse ou le surpâturage pendant la sécheresse ? Dr. James Cahill et ses collègues de l’Université de l’Alberta ont étudié comment la saison et l’intensité du pâturage affectaient le rendement fourrager et la masse racinaire dans des conditions de sécheresse (Differential sensitivity of above- and belowground plant biomass to drought and defoliation in temperate grasslands ; https://doi.org/10.1016/j.agee.2023.108660).
Ce qu’ils ont fait
Cette équipe a recueilli des données sur sept sites de prairies à prédominance indigène en Alberta représentant une gamme de précipitations annuelles moyennes (Gem, 312 mm ; Onefour, 318 mm ; Oyen, 321 mm ; Twin River, 358 mm ; Kinsella, 401 mm ; Sangudo, 492 mm ; Stavely, 533 mm). Une sécheresse extrême a été imposée en installant des abris anti-pluie transparents sur la moitié des parcelles afin de détourner près de la moitié des précipitations pendant la saison de croissance. Les parcelles ont été coupées au lieu d’être pâturées, car les bovins auraient démoli ces abris.
Cinq traitements de coupe différents ont été conçus pour représenter diverses intensités et périodes de pâturage. Le traitement témoin n’a fait l’objet d’aucune coupe en juin ni en septembre (Aucune/Aucune). Le traitement Intensif/Aucun a été intensivement coupé en juin (jusqu’à une hauteur de chaume de 3 cm), mais pas en septembre. Le traitement Aucun/Intensif n’a pas été coupé en juin, mais a été intensivement coupé jusqu’à 3 cm en septembre. Le traitement Léger/Intensif a été coupé jusqu’à une hauteur de chaume de 7 cm en juin et de 3 cm en septembre, afin de simuler un pâturage léger en début de saison suivi d’un pâturage plus intense après le ralentissement de la croissance de la végétation. Le traitement Intensif/Intensif a été coupé jusqu’à une hauteur de chaume de 3 cm à la fois en juin et en septembre.
La combinaison de deux traitements pluviométriques et de cinq traitements de coupe a permis de tester les réponses des prairies à dix scénarios différents de gestion des pâturages et d’humidité. Chacune de ces dix combinaisons a été reproduite quatre ou cinq fois sur chaque site. Les traitements ont été imposés au cours des saisons de croissance 2017, 2018 et 2019.
Après trois ans, la production totale de fourrage en surface a été mesurée en récoltant une partie de chaque parcelle au niveau du sol en juillet, et des carottes de sol de 15 cm de profondeur ont été prélevées pour mesurer la masse des racines.
Ce qu’ils ont appris
Au cours des trois années de l’expérience, les précipitations naturelles ont été constamment inférieures à la normale sur les sites les plus secs (Gem, Onefour, Oyen et Twin River), mais supérieures à la normale au moins une année sur trois sur les sites de Kinsella, Sangudo et Stavely. Les abris anti-pluie ont imposé des conditions de sécheresse historiquement sévères ou proches des records sur tous les sites.
Effets de la sécheresse : La sécheresse extrême et prolongée n’a pas réduit de manière significative la productivité du fourrage ou la masse des racines. Les graminées indigènes sont adaptées aux défis environnementaux de la nature.
Effets d’un pâturage intense au printemps vs. à l’automne : Le fait de couper intensivement les parcelles une fois en juin n’a pas affecté le rendement en fourrage par rapport à une seule défoliation importante en septembre, quelle que soit l’humidité, mais la coupe précoce a été plus nocive pour les racines, en particulier dans des conditions de sécheresse. Le traitement Intensif/Aucun a réduit la biomasse des racines de 8 % en cas de précipitations normales et de 16 % en cas de sécheresse extrême. Ces résultats confirment les recommandations de longue date d’éviter le pâturage intense des prairies indigènes, en particulier au début de l’année.
Effets d’une coupe printanière de plus en plus intense : Au fur et à mesure que l’intensité du traitement de coupe de juin augmentait de Aucun/Intensif à Intensif/Intensif, les rendements en fourrage diminuaient de 15 %, tant dans des conditions normales que dans des conditions de sécheresse. La biomasse racinaire a réagi de la même manière, diminuant jusqu’à 23 % en cas de sécheresse extrême.
Effets sur les sites : La sécheresse a eu des effets constants sur la biomasse racinaire, quelle que soit la quantité de précipitations reçue par chaque site d’étude. Cependant, les effets additifs de la coupe pendant la sécheresse ont affecté la biomasse racinaire différemment selon les sites. Une coupe plus sévère (surtout au printemps) a le plus endommagé la croissance des racines lorsque la sécheresse a été imposée à des prairies ayant des précipitations normales plus importantes (Kinsella, Sangudo et Stavely).
Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Un pâturage intensif peut, dans un premier temps, ne pas réduire la productivité du fourrage. Mais à mesure que les racines diminuent en taille et en profondeur, en particulier à cause du pâturage de printemps, les plantes absorbent progressivement moins d’eau et de nutriments. Cela réduit leur capacité à long terme à soutenir la croissance du fourrage en surface.

N’oubliez pas que les pâturages peuvent mettre un certain temps à se rétablir après avoir été broutés pendant plusieurs années de sécheresse sévère. Pour faire repousser les racines perdues, les plantes doivent transférer l’énergie des pousses vers les racines. Mais elles ne peuvent le faire que si elles ont suffisamment de feuilles au départ ! C’est pourquoi il convient d’éviter le pâturage intensif en début de saison.
La conclusion selon laquelle les fourrages acclimatés aux zones à forte pluviométrie peuvent être plus sensibles à un pâturage intensif en période de sécheresse est importante pour les régions plus humides du Canada. Les prairies peuvent être moins bien adaptées à la sécheresse dans les régions où celle-ci est moins fréquente, et plus durement touchées lorsqu’elle survient. Une sécheresse modérée dans une région où il pleut normalement plus peut être plus dommageable qu’une sécheresse modérée dans une région normalement sèche. Une gestion prudente des pâturages est importante partout, quelle que soit la pluviométrie « normale ».
Conclusion
Bien que les plantes indigènes puissent tolérer une sécheresse importante, elles ne peuvent tolérer un pâturage intensif en cas de sécheresse, en particulier au printemps. Négliger ce qui se trouve sous la surface peut vous causer des problèmes avec les fourrages et les icebergs.
Le Beef Cattle Research Council est une organisation sans but lucratif financée par le Prélèvement national sur les bovins de boucherie. Le BCRC s’associe à Agriculture et Agroalimentaire Canada, aux groupes provinciaux de l’industrie du bœuf et aux gouvernements pour faire progresser la recherche et le transfert de technologie à l’appui de la vision de l’Industrie canadienne du bœuf, qui est d’être reconnue comme un fournisseur privilégié de bœuf, de bovins et de génétique sains et de haute qualité. Pour en savoir plus sur le BCRC, visitez le www.beefresearch.ca.
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